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Lettre d'information n° 13/2010

Nouveaux membres du Conseil d’administration (2010-2012)

L’aide juridictionnelle et le recours en cassation devant les cours suprêmes de l’Union européenne

Élection d'un nouveau juge à la Cour européenne des droits de l'homme

Editorial

Madame la Présidente Griss

President Griss

Au moment où mes collègues, présidents des cours suprêmes judiciaires de l’Union européenne, m’accordent leur confiance pour les deux prochaines années, je mesure l’ampleur de la tâche. Sous l’impulsion donnée en 2004 par M. le Premier Président Guy Canivet (France), poursuivie et développée par Lord Phillips, Président de la Cour suprême du Royaume Uni, et M. Torben Melchior, Président de la Cour suprême du Danemark, notre Réseau, avec l’aide financière de l’Union européenne, a en effet réussi à établir les bases d’une nécessaire coopération et à favoriser efficacement les échanges et la collaboration entre nos cours suprêmes. La réflexion que nous avons menée au cours de notre dernière Assemblée générale à Dublin sur la stratégie future du Réseau montre combien il est essentiel de poursuivre et d’approfondir ce qui a été engagé et d’assurer le suivi des travaux réalisés.

La présente Lettre d’information publie l’analyse de synthèse sur les différentes façons d’appréhender l’aide juridictionnelle dans les pays de l’Union européenne, étude comparative effectuée à partir des réponses reçues des cours suprêmes par le bureau d’aide juridictionnelle de la Cour de cassation française. Le prochain numéro de notre Lettre d’information se fera l’écho du Colloque que notre Réseau a tenu à Dublin le 19 mars dernier sur les aspects pratiques de l’indépendance de la justice.

Les Présidents des Cours Suprêmes Judiciaires de l'Union Européenne réunis à Dublin (mars 2010)

Nouveaux membres du Conseil d’administration (2010-2012)

Lors de sa réunion tenue à Dublin le 19 mars dernier, l’assemblée générale du Réseau a élu à l’unanimité les membres de son conseil d’administration qui est désormais présidé par Mme Irmgard Griss, présidente de la Cour suprême d’Autriche et composé des vice-présidents suivants : Mme Pauliine Koskelo, présidente de la Cour suprême de Finlande, M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation de France, M. Klaus Tolksdorf, président de la Cour suprême d’Allemagne, exerçant également les fonctions de trésorier, M. John L. Murray, président de la Cour suprême d’Irlande, M. Vincenzo Carbone, premier président de la Cour suprême de cassation d’Italie, M. Ghislain Londers, premier président de la Cour de cassation de Belgique, M Lasar Gruev, président de la cour suprême de Bulgarie, M. Vincent A. De Gaetano, président de la Cour constitutionnelle et de la Cour d’appel de Malte et M. Geert Corstens, président de la Cour suprême des Pays-Bas. Le Secrétariat général est assuré par M. Dominique Hascher (France).

L’aide juridictionnelle et le recours en cassation devant les cours suprêmes de l’Union européenne

La synthèse des réponses peut s’articuler autour des points suivants : le critère des ressources, qui est la première raison d’être de l’aide légale, les autres conditions exigées pour obtenir cette aide, les cas d’exclusion quelque soient les conditions de ressources, l’organisme habilité à apprécier si les conditions sont remplies, le choix de l’avocat chargé de représenter ou d’assister le justiciable, les taux d’admission ou de rejet de l’aide publique. Cette aide est appelée tantôt aide ou assistance judiciaire, tantôt aide juridictionnelle, tantôt aide légale (legal aid) C’est cette dernière dénomination qui a été le plus souvent utilisée dans les réponses.

I- Le critère des ressources :

Il est généralement admis que, lorsqu’elle est obligatoire, l’intervention d’un avocat pour assister ou représenter le justiciable dont les ressources sont insuffisantes puisse être prise en charge par l’Etat. La désignation d’un avocat aux frais de l’Etat est même envisageable lorsque l’accès au juge de cassation est libre, notamment en matière pénale.

L’insuffisance des ressources peut être appréciée au regard de barèmes légaux, actualisés chaque année, comme en France par exemple. D’autres critères sont pris en considération. C’est ainsi qu’en Pologne, l’aide est accordée si le coût du procès envisagé est incompatible avec la survie de la famille. Autre exemple : aux Pays-Bas, lorsque des intérêts professionnels sont en jeu, il faut, pour obtenir l’aide légale, que la continuité de l’activité du demandeur dépende de l’attribution de cette aide.

L’aide est totale, comme en Roumanie. Ailleurs, elle peut être totale ou partielle, le demandeur devant, dans ce dernier cas, participer à la rétribution de l’avocat. Une participation d’un montant maximum de 50 euros est même exigée en Irlande, sans doute pour responsabiliser le requérant. En outre, dans ce pays, les dommages-intérêts obtenus par le bénéficiaire de l’aide légale sont versés au Legal Aid Board, institution indépendante qui administre l’aide légale et qui les reverse à ce bénéficiaire après avoir prélevé les sommes dépensées pour payer l’avocat.

II- Le bien fondé de la demande d’aide légale :

Sur ce plan, l’appréciation de l’autorité de décision est plus ou moins rigoureuse selon les pays.

Aux Pays-Bas, au Portugal et en Roumanie, seule la condition de ressources semble être prise en considération. Il en va de même en Italie et en République tchèque pour les affaires pénales.

Le contrôle est léger en Autriche, en Bulgarie, en Grèce, en Italie, au Luxembourg et en Norvège, où il suffit que les recours envisagés ne soient pas manifestement irrecevables, infondés, abusifs, déraisonnables, injustifiés, mal intentionnés ou dénués d’une quelconque chance de succès, les formulations variant selon les pays. La bienveillance est particulièrement de mise en Norvège lorsque le bien-être et l’intérêt d’un enfant sont en jeu ou dans les cas d’hospitalisation d’office pour troubles mentaux, de mise sous tutelle ou de mesure de contrainte.

Dans d’autres Etats, le contrôle est plus lourd. Les recours doivent présenter des chances fortes, ou raisonnables, ou sérieuses de succès en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Hongrie, en Lituanie, en Slovénie, et en Irlande pour les affaires civiles, étant observé qu’en Irlande, comme en Norvège, les requêtes sont admises plus favorablement lorsque l’intérêt d’un enfant est en cause. En Suède, il faut que la décision de la cour inférieure présente un défaut substantiel. En France, le bureau d’aide juridictionnelle n’accorde l’aide que s’il détecte un moyen sérieux de cassation de l’arrêt de la cour d’appel pour cause de violation d’une règle de procédure ou de fond. Cette exigence, après avoir été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (30 juillet 1998, Aerts c/Belgique 61/1997/845/1051), a été reconnue légitime et raisonnable par cette même Cour au regard de l’article 6-1 de la convention (26 février 2002 Essaadi c/France, requête n° 49384/99 et Del Sol c/France, requête n° 46800/99), En Pologne, un rôle important de filtrage est confié à l’avocat qui peut refuser sa désignation après avoir étudié le dossier.

En Irlande et en République tchèque, l’appréciation est différente selon la nature du litige, pénale ou civile. En République tchèque, la chance raisonnable de succès n’est exigée que dans le domaine civil. Il en est de même en Irlande. Dans ce dernier pays, les recours contre les jugements de la cour criminelle ne sont admis que s’il existe un point de droit d’une importance publique exceptionnelle et s’il est de l’intérêt général de le trancher ; en ce cas, l’aide légale est accordée par la cour suprême uniquement au vu du critère des ressources. Dans les autres affaires pénales, il faut qu’une cour d’appel ait constaté que, compte tenu de la gravité de l’accusation ou de circonstances exceptionnelles, il est essentiel, dans l’intérêt de la justice, que le demandeur obtienne l’aide légale.

Le système le plus restrictif est celui du Royaume-Uni. Mais il semble que cela soit le reflet de la conception du rôle de la cour suprême dans ce pays, sans traitement particulier pour l’aide légale. Comme pour tous les justiciables, il faut d’abord que le recours ait été jugé recevable, soit par la cour suprême, soit par la cour d’appel dont la décision fait l’objet du recours, le critère de recevabilité à prendre en considération étant qu’il s’agisse d’une affaire d’intérêt général posant une question de droit pouvant donner lieu à discussion. Il faut encore que le recours soit justifié au regard du temps passé pour la procédure et du coût de celle-ci. Ces préalables étant posés, le recours envisagé doit avoir une chance raisonnable de succès.

III- Les exclusions :

L’aide légale est exclue, quelle que soit la situation de fortune, soit dans certaines circonstances, soit pour certaines catégories de litiges.

Ainsi, l’aide n’est pas possible lorsque le demandeur est garanti contre le risque de contentieux  par un contrat d’assurance, comme en France, ou encore au Danemark, pays où c’est souvent le cas. Au Luxembourg, l’aide ne peut bénéficier à ceux qui ont l’usage d’un véhicule automobile et qui ont un litige au sujet de cet usage.

Quant aux catégories de litiges pour lesquels l’aide légale n’est pas prévue, ce peuvent être les litiges de nature commerciale ou fiscale (Bulgarie), les procès en diffamation , ceux qui sont relatifs à la terre ou les contestations électorales (Irlande), les questions d’évasion fiscale ou de transfert de crédit (Italie), les litiges de nature professionnelle (Luxembourg), ou encore les contraventions à la circulation routière et les recours contre les décisions n’ayant prononcé que des peines d’amende (Norvège).

Dans certains pays de l’Union, l’aide n’est pas accordée lorsque son coût pour la collectivité publique est supérieur à l’intérêt patrimonial en jeu, à moins, parfois, qu’il ne s’agisse de trancher une question de principe (Bulgarie, Danemark, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni). Elle peut aussi être refusée lorsque le requérant est jugé apte à défendre seul sa cause (Pologne, Lituanie).

IV- Qui prend la décision d’accorder ou de refuser l’aide légale ?

Les réponses sont très différentes selon les pays. L’organe de décision peut être soit un service spécialisé au sein de la Cour suprême, soit la Cour elle-même ou l’une de ses composantes, soit un organisme public extérieur à  la Cour, soit  la juridiction dont le jugement ou l’arrêt sont contestés, soit enfin la corporation des avocats.

Seules la Belgique et la France ont institué des bureaux d’aide légale propres à leurs cours suprêmes. En Belgique, c’est le bureau d’aide judiciaire de la Cour de cassation ou, en cas d’urgence, le premier président de cette Cour, qui apprécie l’existence d’une chance sérieuse de succès, après avoir recueilli l’avis de l’avocat désigné à cette fin par le bâtonnier. Le bureau est composé de trois conseillers de la Cour qui statuent en présence d’un avocat général et d’un greffier. En France, le bureau d’aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation est composé de magistrats honoraires (retraités) de la Cour de cassation, de conseillers référendaires en activité dans cette Cour, d’avocats spécialisés de cette juridiction, en activité ou honoraires, d’un greffier en chef, vice-président, de représentants des ministères des finances et des affaires sociales, et de représentants des usagers. Ses décisions sont susceptibles de recours devant le premier président.

Dans d’autres Etats, la décision est prise, soit par la cour suprême elle-même, comme en Bulgarie et, semble-t-il, en Suède, soit par des organes de cette cour, qui peuvent être son président comme en Grèce, ses présidents de chambre comme en Pologne dans certains cas, la formation de jugement qui serait compétente pour connaître de l’affaire, comme à la Cour Fédérale de Justice d’Allemagne, ou encore le juge désigné pour instruire le pourvoi en cassation comme en Norvège.

Plus nombreux sont les pays où les décisions sont prises par des organismes publics extérieurs aux cours suprêmes et qui statuent pour toutes le juridictions : ministère de la justice au Danemark, avec possibilité de recours, commission administrative présidée par un juge, compétente pour toutes les juridictions de la République tchèque, Legal Aid Board en Irlande, organisme indépendant qui administre l’aide légale pour les actions en justice devant toutes les juridictions, bureau d’aide légale, également compétent pour toutes les juridictions des Pays-Bas, service d’aide judiciaire de l’office de justice du département où le justiciable a déposé sa demande, comme en Hongrie, services régionaux d’aide légale en Lituanie, service d’aide judiciaire de la cour du district dans le ressort duquel le demandeur a son domicile comme en Slovénie, avec possibilité de recours devant des commissions administratives ou des tribunaux.

Dans quelques pays, l’aide est accordée ou refusée par la juridiction même dont la décision est frappée de recours. Ainsi en est-il en Autriche (le juge lui-même ou, en cas de collégialité, le président de la juridiction), ou encore en Italie et même, semble-t-il, aux Pays-Bas, pour les affaires pénales. En Pologne, ce peut aussi être la cour d’appel dont l’arrêt est contesté.

Enfin, le pouvoir de statuer sur les demandes d’aide légale est confié aux avocats eux-mêmes, soit d’une façon générale pour tous les contentieux au Luxembourg, où la décision est prise par le bâtonnier ou son délégué, soit pour les seules affaires pénales en Italie où la mission est confiée au barreau.

V- Le choix des auxiliaires de justice chargés d’assister le demandeur :

A la question de savoir qui choisit l’auxiliaire de justice pour représenter ou assister celui qui a obtenu le bénéfice de l’aide légale, les réponses sont aussi très variées.

Elles peuvent être regroupées en quatre catégories : le choix est effectué soit par les juridictions, soit par des organismes publics extérieurs, soit par la profession d’avocat, soit, enfin, par bénéficiaire de l’aide légale lui-même.

En Suède, le choix appartient à la cour suprême. En Allemagne, l’avocat est choisi par la Cour Fédérale de Justice parmi les avocats spécialisés de cette cour. Au Danemark, la cour suprême désigne un avocat inscrit sur une liste établie par le ministère de la justice. En Grèce, c’est également la cour suprême qui procède à la désignation mais en l’absence de barreau spécialisé semble-t-il, les avocats requis doivent  figurer sur des listes établies et renouvelées chaque mois par les bureaux locaux d’aide légale. En Irlande, du moins pour les affaires pénales, le choix appartient à la juridiction dont la décision est frappée de recours. Il semble en être de même aux Pays-Bas pour ce même type d’affaires.

Dans la deuxième catégorie, on peut classer la Belgique  et, en partie, l’Irlande, ainsi que la Lituanie et la République tchèque.  Dans le premier de ces pays, l’avocat est choisi par le bureau d’assistance judiciaire de la cour de cassation et, en cas d’urgence, par le premier président de cette Cour, après avis d’un avocat désigné par le bâtonnier du barreau de la Cour. En Irlande, pour les affaires civiles, il semble que ce soit l’Aid Legal Board qui désigne des solicitors parmi ceux qu’il emploie et, pour les questions familiales ou de droit d’asile, parmi ceux qui ont passé une convention avec lui. En Lituanie, le choix revient aux services régionaux d’aide légale. En République tchèque, ce pouvoir est attribué à une commission prévue à cet effet et présidée par un juge.

Dans de nombreux pays, le pouvoir est délégué aux organismes professionnels. C’est le cas en Autriche (Association autrichienne des avocats), en Bulgarie (Conseils de l’Ordre qui désignent des avocats inscrits sur le registre national d’aide juridique), en France (Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation), au Luxembourg  (Bâtonnier de l’Ordre des avocats ou son délégué), en Pologne, au Portugal et en Roumanie.

Les choix des requérants sont assez largement pris en considération dans les systèmes judiciaires dont il vient d’être parlé. Et ils sont la règle dans les autres systèmes tout en restant limités ou encadrés. Au Royaume-Uni, l’avocat est choisi par le demandeur d’aide parmi les cabinets d’avocats qui ont conclu une convention avec la Commission de Services Légaux (Legal Services Commission), financée par le ministère de la justice.  En Hongrie, le demandeur doit se limiter aux registres tenus par les services départementaux d’aide judiciaire des offices de justice et, en Italie, à la liste des avocats qui ont été admis par le barreau à intervenir au titre de l’aide légale. La liberté paraît être plus grande en Norvège, où la cour suprême se borne à fixer la rétribution de l’avocat choisi sur la base d’un tarif établi par l’Etat. Aux Pays-Bas, dans les affaires civiles, ce n’est qu’en l’absence de choix par le demandeur ou, subsidiairement, de proposition du doyen du barreau, que le bureau d’aide légale nomme l’avocat. Un système assez semblable est en vigueur en Slovénie : le justiciable choisit son avocat ; en l’absence de choix, un avocat dont le nom figure sur une liste établie par le barreau régional est désigné d’office par le service d’aide judiciaire ; si cet avocat refuse sa désignation, il doit se justifier et le service d’aide judiciaire apprécie les raisons de ce refus après avoir recueilli l’avis de la chambre nationale des attorneys.

Pour finir, il parait intéressant de noter qu’en Irlande, si le requérant refuse le solicitor ou le barrister qui lui ont été désignés, il peut présenter une nouvelle demande au Legal Aid Board, mais, en ce cas, il peut être invité à payer la différence de coût entre celui qui a été initialement désigné et celui qui est finalement choisi si ce dernier est plus onéreux.

VI- Les taux d’admission :

Huit cours suprêmes seulement, sur les vingt et une qui ont répondu au questionnaire ont été en mesure  de fournir des statistiques sur le pourcentage des requêtes qui ont reçu un accueil favorable.

En 2008, les admissions à l’aide légale pour agir devant les cours suprêmes ont représenté 23% des demandes en France, 33% en Belgique, 37% en Allemagne, 56% en Slovénie, 70% en Autriche,  entre 80et 85 au civil en Irlande (100% au pénal), 89% en Hongrie, et 90% au civil en Italie (86% au pénal).

Élection d'un nouveau juge à la Cour européenne des droits de l'homme

Monsieur Vincent A. De Gaetano, Président de la Cour constitutionnelle et de la Cour d’appel de Malte, a été élu le 22 juin 2010 pour siéger à la Cour européenne des droits de l’homme.

 

 

Lancement de la première version du portail e-Justice

Le 16 juillet 2010, la Commission européenne lancera la première version du portail e-Justice qui a pour vocation de contribuer activement au développement d'une justice en ligne européenne effective. L’adresse de ce site est : https://e-justice.europa.eu .